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L'offre d'achat dans un investissement locatif

Le timing est terrible : si l’immeuble semble être une aubaine c’est probablement qu’il va falloir se positionner vite, ou l’on se fera doubler.


Mais wait, je n’ai pas reçu les baux, les diags, je n’ai pas encore le devis travaux, je n’ai pas testé la demande locative. Je n’ai pas vérifié si les lots étaient cadastrés. Je ne peux pas m’engager à l’aveugle !

Savoir se positionner rapidement

En amour comme en investissement locatif, il faut savoir faire le grand saut, à l’instinct, les yeux fermés. Quitte à se rétracter la veille ou même le jour du mariage, alors que le marié attend devant l’autel et que tous les invités sont là, assis, à patienter silencieusement. Un seul conseil, à l’américaine : shoot first, think later.

D’abord, sympathiser et obtenir la confiance de l’agent ou du vendeur pour le fidéliser et faire en sorte d’être choisi plutôt que les autres candidats. Le rassurer  sur notre solvabilité, en venant par exemple avec une lettre de confort de son courtier. Faire une offre rapidement, en sortie de visite, pour bloquer. Ensuite, demander les documents et monter la data room, faire sa due-dill, puis confirmer son offre ou se rétracter.

Une offre est particulièrement peu engageante juridiquement pour l’acheteur qui la soumet, mais l’est beaucoup plus pour le vendeur qui l’accepte. Le droit français protège toujours l’acquéreur.

Le délai légal de rétractation post-signature

Quoi que dise le vendeur, l’investisseur pourra toujours se rétracter avant, ou après, pendant les dix jours de délai légal de rétractation qui suivent le lendemain de la signature de l’acte. A ne pas confondre avec le délai de réflexion de la loi Scrivener qui donne à l’emprunteur 10 jours à compter de la réception de son offre de prêt pour se rétracter.

Certes, l’acheteur en SCI ne bénéficie pas de ce délai de rétractation mais il pourra toujours signer son offre d’achat et son compromis/promesse en nom propre avec en condition suspensive une faculté de substitution au profit d’une SCI, pour en recouvrer le bénéfice.

Notons qu’il existe un autre cas où l’acquéreur n’est pas protégé par ce délai légal de rétractation : c’est lorsque l’immeuble de rapport dit « mixte » contient un ou plusieurs lots commerciaux. Typiquement, l’immeuble de rapport avec une épicerie au rez-de-chaussée et des appartements aux étages. Dans le cas de l’achat d’un immeuble mixte, il est donc préférable de bien faire ses devoirs en amont de la signature, parce qu’une fois que c’est signé, c’est signé.

Un ou plusieurs refus de prêt ?

Outre ce délai légal, seul un refus de prêt confère le pouvoir de se rétracter post-signature. Certains actes sont rédigés de telle sorte qu’ils obligent l’acquéreur à présenter plusieurs refus de prêt de plusieurs banques pour l’y autoriser. Pourtant, la jurisprudence récente est claire à ce sujet : quoi qu’en dise le compromis ou la promesse, un seul et unique refus de prêt suffit à faire bénéficier à l’acheteur de la protection de la condition suspensive de prêt, et lui permettre de s’en aller comme un prince, sans payer d’indemnités au vendeur.

Quels documents demander au stade de l’offre ?

Il s’agit de bloquer le bien avec une offre, récupérer et analyser le dossier (baux, diags, quittances, relevé de matrice cadastrale, etc.), prendre le temps de faire établir les devis travaux (devis estimatif dans un premier temps, puis devis définitif dans un second) puis infirmer ou confirmer son offre en vue de la signature de l’avant-contrat (c’est-à-dire le compromis ou la promesse de vente, qui sont grosso modo la même chose).

Ne pas être trop gourmand en matière de dossier, de dataroom : les documents que l’on est en droit de demander sont essentiellement les diagnostics obligatoires, les baux, éventuellement les quittances de loyer si le vendeur en fait (c’est rare).

Dans l’investissement locatif ancien (donc hors Pinel et autres cochonneries du genre), nous sommes face à des contreparties non professionnelles, la vendeuse s’appelle Mme Michu, pas Bouygues immobilier. Le niveau d’exigence doit s’adapter à l’interlocuteur : on ne reprochera pas à un vendeur non-pro de ne pas fournir un track record comptable de la performance locative de son immeuble, des relevés de compte, des plans 2D ou 3D avec découpage surfacique, un relevé de matrice cadastrale(demandez le au notaire plutôt) ou des diagnostics non-obligatoires.

Par exemple pour un immeuble de rapport, les certificats de surface, d’état de la toiture, de la façade ou de la plomberie ne sont pas des documents obligatoires :faites ces analyses vous-mêmes. Laissons tranquille la pauvre Mme Michu.

Ne jouez pas non plus aux apprentis notaires, à demander à la vendeuse des documents notariaux, qu’elle n’a pas et que vous ne saurez probablement pas analyser (relevé hypothécaire, historique de propriété, état de pollution des sols, documents urbanistiques en tout genre etc.).Le notaire s’en occupe. Si vous avez fait l’erreur de signer votre compromis/promesse en agence plutôt que chez un notaire, je ne peux rien pour vous.

Un agent immobilier a très rarement un diplôme qui justifierait qu’il soit rédacteur d’acte, comme un diplôme en droit notarial, ou en droit immobilier. Bref laissez la rédaction et la signature des actes aux professionnels en la matière : les notaires.

Savoir rédiger son offre

Revenons à nos moutons, pour structurer son offre, on donne : son identité, la désignation du bien, le prix – où l’on fait bien attention à la distinction entre le prix net vendeur, les frais d’agence (à la charge du vendeur ou de l’acquéreur ? ask), le prix F.A.I. ou H.A.I. (Frais d’Agence Inclus, ou Honoraires d’Agence Inclus).

On donne une date de validité à son offre, pour éviter que le vendeur la leverage auprès d’autres candidats si celle-ci n’est pas au prix (une offre au prix bloque le bien).

Surtout on soigne ses conditions. Exemples de conditions qui peuvent accompagner une offre, « cette offre se fera sous condition... » : d’obtention d’un prêt (c’est une condition d’ordre public obligatoire depuis 1979 et qui s’applique de toute façon par défaut, sauf à y renoncer explicitement, et encore...), de contre-visite d’un artisan, de preuve que les lots sont cadastrés, d’audit de la toiture à la charge du vendeur, de la production de 3 mois de quittances de loyer, sous condition que le compromis/promesse soit rédigé « acte en main », que la fin du confinement soit déclarée... Imagination is the only limit.

Attention néanmoins à ne pas être trop gourmand en conditions suspensives, chaque condition supplémentaire diminue les chances que le vendeur choisisse notre offre plutôt qu’une autre moins contraignante, et certaines conditions vont de soi (conformités à l’urbanisme, fourniture de diagnostics obligatoires à jour et des baux etc.). Par ailleurs elles peuvent ne pas figurer dans l’offre d’achat mais figurer dans le projet d’acte/compromis/promesse.

Notons qu’en cas de condition suspensive de prêt celle-ci peut également inclure le financement des travaux et pas seulement du prix de l’immeuble.

Formuler son offre en nom propre ou en SCI ?

L’avantage d’une offre en nom propre est de pouvoir bénéficier du délai légal de rétractation de 10 jours à partir du lendemain de la signature du compromis, quitte à prévoir en condition suspensive une faculté de substitution au profit de sa SCI, activable post-signature.

Mais si je signe directement en SCI plutôt qu’en nom propre, en tant qu’acquéreur je n’ai pas à subir ce flou juridique désagréable dans la situation où : je signe en nom propre, je substitue ma SCI, ma SCI obtient un refus de prêt, mais en tant que signataire initial je reste solidaire à titre personnel vis-à-vis de la Condition Suspensive de Prêt (CSP), et je suis alors censé fournir un ou plusieurs refus de prêt à titre personnel maintenant que ma SCI a essuyé un refus à son niveau (sauf si la CSP a été rédigée autrement mais c’est rarement le cas).

Or j’avais logiquement fait mes demandes de prêt après la signature directement pour ma SCI et non pour moi-même donc je n’ai pas de refus bancaire personnel à présenter alors que la deadline de la CSP est maintenant imminente ou déjà passée. Et le vendeur me menace d’une action pour récupérer les 10% de la clause pénale/indemnité d’immobilisation, théoriquement dus dans cette situation.

Notons que l’acheteur est lui aussi en droit de réclamer ces 10% au vendeur en cas de rétractation abusive de celui-ci, mais la situation étant moins probable le vendeur n’a pas à verser cette forme d’acompte sous séquestre au notaire comme le fait l’acquéreur.

Une offre formulée directement en SCI a le mérite d’apporter de la clarté immédiate au vendeur, à l’agent et aux notaires quant à l’acheteur final et d’éviter cet aléa de solidarité du signataire personne physique initial vis-à-vis de la CSP.

La condition suspensive de financement

Notons, et c’est une affirmation encore assez polémique à ce jour, que la Condition Suspensive de Prêt reste un épouvantail juridique assez pauvre en conséquences, dont l’ambition est d’éviter les abus du côté du vendeur (ça arrive de ne pas avoir son prêt, il faut savoir pardonner) comme de l’acheteur (on ne peut pas balader le vendeur pendant 3 mois pour se rétracter sans raison valable en last minute).

Épouvantail sans grande substance car même si l’acheteur renonce à cette CSP, la jurisprudence récente est formelle : il suffit que l’acheteur ait quand même recours à un emprunt et qu’il en informe le vendeur / le notaire / l’agent pour que la protection de la CSP soit rétablie d’office.

Même en cas de revirement de jurisprudence en faveur du vendeur, récupérer les 10% de la clause pénale / indemnité d’immobilisation auprès de l’acquéreur implique l’accord du juge (sauf accord improbable de l’acheteur pour lui verser immédiatement).

Les délais de traitement de la justice française étant ce qu’ils sont, le vendeur peut se retrouver avec son immeuble bloqué, car il n’a le droit ni de le revendre, ni de le relouer tant que la procédure n’a pas abouti. La procédure en question peut durer des années et engendrer des frais d’avocats, l’acquéreur pouvant également faire appel pour la rallonger encore plus.

La plupart du temps, en cas de dépassement de deadline de la CSP ou de litige lié à la CSP, les parties négocient à l’amiable un avenant au compromis / promesse ou le bien est remis sur le marché sans que les 10% ne soient versés par l’acquéreur au vendeur.

Certains investisseurs, conscients de la faible portée juridique d’une offre avec renonciation explicite à la condition suspensive de prêt, et conscients du poids qu’elle procure dans une négociation, n’hésitent pas à en abuser pour être choisis en priorité par le vendeur ou obtenir un meilleur prix, quelle que soit leur solvabilité par ailleurs.


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